Interdire la distribution de ses produits chez un pure player

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Après les tentatives d’interdiction de recourir à la grande distribution, est venu le temps des pure players, plateformes de vente exclusivement présentes en ligne, sur lesquelles nombre de marques rechignent à être distribuées compte tenu de l’image de luxe qu’elles entendent maintenir.

C’était le cas de la société Caudalie (entreprise de cosmétique spécialisée dans la vinothérapie), dont le contentieux avec le site 1001pharmacies.com a suivi un long parcours judiciaire, pour connaître une nouvelle étape avec un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 13 juillet 2018, rendu sur renvoi après cassation, dans une procédure initialement diligentée en référé.

Sans vouloir nuire à l’intensité dramatique de ce billet, il peut être indiqué en substance que la Cour reconnaît à Caudalie le droit d’empêcher la distribution de ses produits, considérés comme des produits de luxe, sur une plateforme tierce.

Après l’examen d’un moyen préliminaire sur le statut de 1001pharmacies.com – entre éditeur et hébergeur – qui n’est pas sans intérêt mais éloigné du sujet qui nous occupe ici, on trouve certains développements intéressants.

Ainsi de la qualification de « produits de luxe« , tentante pour tout fabricant amoureux de son produit. La Cour relève que « le seul fait qu’il s’agisse de produits de parapharmacie n’en fait pas des produits banals » mais n’offre pas ici une définition d’une grande facilité d’usage pour un juriste, en se référant à… une sensation :

La qualité de tels produits résulte non pas uniquement de leurs caractéristiques matérielles, mais également de l’allure et de l’image de prestige qui leur confèrent une sensation de luxe et cette sensation constitue un élément essentiel desdits produits pour qu’ils soient distingués, par les consommateurs, des autres produits semblables.

Plus intéressante encore est la remarque que fait la Cour, en se fondant sur le commentaire par la DG concurrence d’un arrêt de la CJUE (CJUE, 1ère ch., 6 décembre 2017, aff. C-230/16,Coty Germany) : « il n’y a pas lieu d’exclure que l’interdiction de vente via des plateformes dans les accords de distribution sélective puisse être conforme à l’article 101, §1, du TFUE pour d’autres catégories de produits que celle des produits de luxe« . Ainsi, alors que l’on évoque systématiquement les produits de luxe comme seule exception à l’interdiction de principe du recours à des plateformes de vente, il faut comprendre que d’autres types de produits peuvent être concernés (on évoque encore, traditionnellement, les produits de haute technicité, mais la Cour ne semble pas avoir voulu restreindre les hypothèses).

Ainsi encore de l’atteinte portée à cette image de luxe. En effet, il faut que l’atteinte à la concurrence soit proportionnée au but recherché. En l’occurrence, la Cour s’appuie sur les constatations effectuées par Caudalie :

La vente des produits Caudalie aux côtés de produits qui n’ont aucun rapport avec ceux-ci, tels que des alarmes-incendie ou des caméras de vidéo-surveillance. De telles conditions de présentation sont de nature à porter atteinte à l’image de luxe que la société Caudalie peut légitimement vouloir protéger.

En conséquence, sur le fondement de l’article L. 442-6-1-6° du code de commerce qui prévoit en substance une forme de « complicité » de violation d’un réseau de distribution, la Cour a confirmé l’ordonnance de référé qui enjoignait à la société exploitant 1001pharmacies.com de cesser la commercialisation des produits Caudalie, et à supprimer tout lien, visuel etc. relatif à cette commercialisation.

Photo : Anh Nguyen

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