Rupture de relations commerciales et appel d’offres : la jurisprudence est-elle immuable ?

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La jurisprudence est fermement établie et l’on connaît notamment ces deux solutions de principe :

1. la notification du recours à un appel d’offres fait courir le préavis de rupture, requis par l’article L.441-2 II du Code de commerce (cf. Cass. com. 6 juin 201, n°99-20.831 ou Cass. com., 18 décembre 2007, n° 05-15.970, et de façon constante par la suite).

2. le recours systématique à un appel d’offres suffit à imprimer une précarité à la relation commerciale qui exclut son caractère établi – et donc la nécessité d’accorder un préavis.

Ces solutions semblent donc gravées dans le marbre de la Cour de cassation. Mais, de façon intéressante et sans que l’on puisse préjuger de la réception de son plaidoyer, le Pr Martine Behar-Touchais (professeur à l’Ecole de droit de la Sorbonne, ancien membre du collège du Conseil de la concurrence) les remet en cause dans un récent article (Plaidoyer pour un double revirement de jurisprudence sur l’influence des appels d’offres sur la rupture brutale des relations commerciales – La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 38, 21septembre 2023, 1265).

Elle insiste sur le fait que seul le critère de la certitude de la rupture devrait être pris en compte, et non celui de l’aléa dans la continuation de la relation. Ainsi soutient-elle que l’annonce du recours à un appel d’offres, que l’on est censé pouvoir remporter (sans quoi il serait fictif) ne peut satisfaire les objectifs de l’article L.441-2 II du Code de commerce. Seule la notification de l’échec devrait faire courir le préavis de la rupture.

En ce qui concerne la précarité imprimée par le recours systématique à des appels d’offres, l’auteur estime que seuls des appels d’offres très rapprochés devraient être pris en compte. En outre, elle soutient que l’auteur de la rupture devrait prouver un motif légitime. A ce titre, elle soulève l’objection que celui-ci invoquerait alors systématiquement la volonté de faire jouer la concurrence pour obtenir un meilleur rapport qualité/prix. Mais elle y répond en soulignant l’intérêt d’une inversion de la charge de la preuve : ce ne serait plus à celui qui subit la rupture d’apporter la difficile preuve que l’appel d’offres et fictif mais à l’auteur de démontrer qu’il a respecté des critères objectifs communiqués préalablement à l’appel d’offres.


Il n’est pas si fréquent de voir proposer la remise en question de jurisprudences aussi fermement établies, depuis parfois plus de vingt ans. Il n’est toutefois pas sans intérêt de prendre en compte ce plaidoyer dans le cadre des ruptures que l’on provoque, ou que l’on subit.

Photo de Markus Spiske sur Unsplash

26 septembre 2023 |

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