Comment évaluer le préjudice résultant de la rupture brutale d’une relation commerciale ? Quelques précisions

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Toute rupture d’une relation commerciale établie doit faire l’objet d’un préavis, sauf dans les cas de force majeure, ou d’inexécution contractuelle de la part du partenaire commerciale. A défaut, la rupture constitue une rupture brutale et son auteur doit en indemniser la victime.

Les principes gouvernant l’indemnisation sont bien établis.

Les juridictions ont en effet rappelé à plusieurs reprises qu’il convient d’indemniser le préjudice issu de la brutalité de la rupture et non de la rupture en elle-même. C’est ainsi que la Cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt du 6 octobre 2009, a refusé d’indemniser un distributeur des frais correspondants à la désinstallation des cheminées qu’il exposait, en considérant que ces frais résultaient de la rupture elle-même et non de sa brutalité1

De même, la jurisprudence est abondante pour préciser qu’il convient d’indemniser la perte de marge brute subie et non la perte de chiffre d’affaires.

Les postes de préjudice peuvent être divers mais doivent, donc, relever de la brutalité de la rupture. Ainsi, le coût d’éventuels licenciements peut être pris en compte, mais il ne l’est pas nécessairement. Dans un arrêt en date du 28 janvier 2011, la Cour d’appel de Paris a refusé d’indemniser un cabinet d’administrateur de biens du coût du licenciement d’une salariée, en relevant qu’il « n’établissait pas que le licenciement qu’il invoque d’une salariée ait eu lieu pour motifs économiques et soit la conséquence de la brutalité de la rupture des relations commerciales imputable à l’intimée »2.

Le poste de préjudice essentiel reste la perte de marge subie. Et c’est à cet égard que persistent quelques incertitudes, portant notamment sur la définition de la marge à retenir. En effet, les juridictions ne précisent pas nécessairement les postes retenus (se contentant souvent de renvoyer aux documents comptables et à une éventuelle attestation d’un expert-comptable) lorsqu’elles n’adoptent pas tout simplement une évaluation forfaitaire, sans le dire.

Un arrêt, rendu par la Cour d’appel de Paris le 20 janvier 20113 apporte des précisions utiles sur la définition de la marge brute à retenir.

La Cour juge en effet que :

« la réparation du préjudice, qui ne doit couvrir que les conséquences de la brutalité de la rupture et non la rupture, correspond à la perte de marge brute et non à la perte de marge dite ‘sur coûts variables’, à savoir les charges de l’entreprise qui varient en fonction du chiffre d’affaires, dans la mesure où la preuve de l’économie de certains coûts liés à des prestations non fournies pendant le préavis n’est pas rapportée ;

Que par ailleurs l’appelante ne saurait utilement demander la prise en compte des charges fixes, tel le montant du loyer payé par la société 25 Mars Production, dès lors que le coût fixe correspondant ne dépend nullement du volume d’activité. »

Ainsi, la Cour distingue ici la notion de marge brute (qu’elle retient comme base de calcul) de la notion de marge dite « sur coûts variables » (qu’elle écarte). En revanche, elle repousse l’argumentation de l’appelante, auteur de la rupture, qui entendait que les charges fixes – dont le loyer de l’entreprise – soient prises en compte.

La Cour d’appel de Paris relève « que le coût fixe correspondant ne dépend nullement du volume d’activité », confirmant ainsi que les seuls frais à exclure de la marge sont les frais directs non engagés du fait de la rupture. Il conviendrait donc de retrancher du chiffre d’affaires uniquement les coûts directs (fixes et variables) liés à la relation commerciale, puisque ces coûts ne seront plus exposés après sa cessation.

 

crédit photo : Guillaume Brialon

  1. CA Montpellier, 2e ch., 6 oct. 2009, SA Supra c/ SARL Sté d’exploitation des cheminées Christian []
  2. Paris, 28 janvier 2011, n°08/18567, Cabinet Cartier, Immobilier de France []
  3. 20 Janvier 2011, n° 10/01509, S.A.S Equidia, SARL 25 Mars Production []

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