La rupture de relations commerciales par une association

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Après une longue période d’extension durant laquelle l’on découvrait sans cesse de nouveaux champs d’épanouissement de la disposition relative à la rupture brutale de relations commerciales établies – qui impose de prévoir un préavis avant de rompre une telle relation – les juridictions et au premier rang d’entre elles, comme il se doit, la première d’entre elles, ont entrepris de poser les limites au-delà desquelles les bornes seraient franchies.

Au cas présent, dans un arrêt en date du 25 janvier 2017, la Cour de cassation a rappelé les conditions d’applicabilité aux associations – et spécialement le caractère commercial de la relation. Dans la deuxième espèce, qui donné lieu à un arrêt rendu le 8 février 2017, la question était relative au statut des coopératives.

L’article L.442-6.I.5° du Code de commerce pose divers cas de responsabilité (dont la rupture de relations commerciales) pour « tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ». Il fut longtemps expliqué que cette définition de son champ d’application ne concernait que l’auteur de la rupture – celui qui engage sa responsabilité – et que le statut de la victime était indifférent. Ainsi une association pouvait-elle se prévaloir de cette disposition, n’étant pas l’auteur de la rupture.

L’arrêt du 25 janvier 2017 souligne que cela va plus loin : une association peut évidemment agir dans l’hypothèse où elle serait évincée sans préavis mais la responsabilité d’une association peut également être engagée. Elle peut donc être concernée autant comme victime que comme auteur d’une rupture.

Ainsi la Cour de cassation souligne-t-elle que :

« le régime juridique d’une association, comme le caractère non lucratif de son activité, ne sont pas de nature à l’exclure du champ d’application de l’article L. 442-6,I,5° du code de commerce dès lors qu’elle procède à une activité de production, de distribution ou de services ».

De fait, la seule notion de producteur ne suppose pas que l’auteur de la rupture ait un statut commercial et le tout premier article du Livre IV du Code de commerce, qui fixe le champ d’application de l’ensemble des dispositions relatives à aux pratiques anticoncurrentielles, aux pratiques restrictives de concurrence, à la transparence tarifaire, prévoit qu’il s’applique « à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public » : il s’applique ainsi aux activités menées, sans considération de la personne (physique ou morale) qui les mène.

C’est en l’occurrence la condition qui faisait défaut, dans cette première espèce. La Cour de cassation relève que les relations entre l’association concernée, le Groupement de prévoyance des Armées et la demanderesse initiale, intermédiaire financier, avaient pour objet de « développer le financement des biens immobiliers acquis par des adhérents« , que « la mission [du GPMA] se limitait à faciliter l’exécution du mandat de la société Rubis », qu’il n’était pas établi qu’il perçoive une commission ni accomplisse des actes de commerce.

Le statut de l’auteur n’est toutefois pas indifférent, surtout dans l’hypothèse où des règles spéciales lui sont applicables. En l’espèce, une société coopérative de transport routier de marchandises avait décidé l’exclusion de l’une de ses membres, qui invoquait dès lors une rupture brutale de relations commerciales établies. La Cour d’appel s’était satisfaite de constater que le texte s’appliquait à toute relation commerciale et que la relation en cause était nouée entre deux personnes morales à caractère commercial pour l’exploitation d’un fonds de commerce.

Cela ne pouvait suffire puisque le litige était relatif aux conditions de cessation des relations au sein d’une coopérative. Or la Cour pointe le fait que l’article 7 de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération donne expressément aux statuts la détermination des conditions d’adhésion, de radiation ou d’exclusion, de sorte que l’exclusion d’un membre d’une coopérative relève exclusivement des statuts. Les conditions d’exclusion d’une coopérative échappent donc à l’application de l’article L.442-6.I.5° du Code de commerce et ne peuvent donner lieu à l’engagement de la responsabilité sur le fondement d’une rupture brutale de relations commerciales établies – ce qui n’exclut pas pour autant une action sur d’autres fondements.

 

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8 mars 2017 |

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