« La » cigarette électronique, définitivement libre ?

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vessieAu mois de décembre dernier, nous laissions entendre que, quel que soit le talent des juristes et du Tribunal de commerce de Toulouse, une vessie (vue ici en coupe sagittale médiane, que cela soit dit pour que nul n’en ignore) restait un instrument d’éclairage inappropriée. Par analogie, il nous semblait qu’un produit ne contenant pas de tabac ne pouvait être qualifié de « produit du tabac ».

Or, ces jours-ci, plusieurs articles ont conduit à penser que le Parlement Européen en aurait décidé autrement, assimilant très directement la cigarette électronique aux produits du tabac. Certains y ont vu un revirement du Parlement européen, et la plupart n’ont pas relevé la distinction qui est faite par le Parlement (cf. ici. ou )

Il nous semble au contraire qu’il vient conforter notre position.

Conformément au processus de décision européen, le Parlement européen a adopté le 26 février 2014 un texte (voir p.191 de ce document) visant à harmoniser les législations des États-membres.

Or, il n’assimile aucunement la cigarette électronique aux produits du tabac.

Cela ressort déjà du fait que l’article 2 du texte, relatif aux définitions des termes utilisés, définit séparément les « produits du tabac » et la « cigarette électronique ».

Surtout, les définitions de la cigarette électronique et des flacons de recharge sont les suivantes :

Aux fins de la présente directive, on entend par:

16)​ « cigarette électronique », un produit, ou tout composant de ce produit, y compris une cartouches, un réservoir et le dispositif dépourvu de cartouche ou de réservoir, qui peut être utilisé, au moyen d’un embout buccal, pour la consommation de vapeur contenant de la nicotine. Les cigarettes électroniques peuvent être jetables ou rechargeables au moyen d’un flacon de recharge et un réservoir ou au moyen de cartouches à usage unique;

17)​ « flacon de recharge », un récipient renfermant un liquide contenant de la nicotine, qui peut être utilisé pour recharger une cigarette électronique;

Ainsi, le seul produit concerné par ce projet de directive est un certain type de cigarettes électroniques : celles qui contiennent de la nicotine. Or, celles-ci ne représenteraient que 10% du marché.

A contrario, donc, la rédaction de ce projet de directive tend plutôt à combattre l’assimilation de toutes les cigarettes électroniques aux produits du tabac.

Ainsi, seules les cigarettes électroniques et les flacons de recharge contenant de la nicotine seraient soumis à un régime quasi-identique aux cigarettes, à savoir une interdiction de toute publicité et, de façon plus indirecte mais fort probable, une restriction de la vente dans les débits de tabac ou les pharmacies.

Par esprit taquin, il serait même possible de considérer que les nombreux débits de tabac qui affichent un autocollant « ici cigarette électronique » tendent à se placer dans l’illégalité puisque, par l’usage de cette formule générale, ils font également de la publicité pour des produits contenant de la nicotine. Les boutiques spécialisées, pour leur part, devraient se séparer de l’activité « avec nicotine » afin de pouvoir continuer à faire la publicité de leurs produits.

Il reste un point d’attention : le projet de directive prévoit en effet que « les Etats membres veillent à ce que les communications commerciales dans les services de la société de l’information, dans la presse et dans d’autres publications imprimées, qui ont pour but ou effet direct ou indirect de promouvoir les cigarettes électroniques et les flacons de recharge soient interdites« . Les autorités françaises, un tribunal, considèreront-ils que la publicité pour les cigarettes électroniques qui ne contiennent pas de nicotine a pour effet indirect de promouvoir celles qui en contiennent ? Ce serait quelque peu osé compte tenu de la faible proportion de cigarettes électroniques contenant de la nicotine, mais pas impossible.

La décision du Parlement ne doit donc pas être interprétée comme introduisant un régime unique pour les cigarettes électroniques, ni comme impliquant une assimilation de toutes celles-ci aux produits du tabac. Reste aux fabricants et distributeurs à travailler sur la distinction entre ces deux produits, et entre les deux à trois canaux de distribution envisageables (libre, débits de tabac ou pharmacies).

La cigarette électronique n’est donc pas une vessie, elle peut même s’avérer « intelligente », être vendue aux rayons culturels et technologiques, et communiquer avec notre smartphone ce qui, toutes comptes faits, nous rapproche de la lanterne.

4 mars 2014 |

Commentaires (21)

  • Lepetitchose a dit...

    Est-ce que la nicotine de la cigarette électronique va être considérée comme la même nicotine que dans une cigarette et donc devant devenir soumise à la même taxation ; ou va-t-elle être considérée comme la même nicotine que les patchs ou les pastilles pour arrêter de fumer et ne pas être soumise à la taxe des paquets de cigarettes ? Je n’ai honnêtement pas suivi le sujet de très près, il me semblait juste que c’était là pour les consommateurs que certains avaient l’impression de se faire avoir.

    Posté le mardi 4 mars 2014 à 16 h 33 min Editer

  • Erwan Le Morhedec a dit...

    Impossible à vous dire. Il est vrai que la crainte de nombreux consommateurs étaient que la cigarette électronique se retrouve taxée de la même manière que les cigarettes. C’est une possibilité, évidemment, compte tenu de la période de disette budgétaire. Toutefois, là encore, il faudrait distinguer selon les produits : il n’y aurait guère de raisons de taxer une cigarette électronique sans tabac ni nicotine.

    Posté le mardi 4 mars 2014 à 19 h 51 min Editer

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