Rupture brutale : succession sans cession

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La rupture brutale de relations commerciales établies montre une fois de plus sa singularité. Il ressort en effet d’un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 5 janvier 2022 (Acquaculture Partners c. Acquacultur Fischtecnihk) qu’une relation commerciale commencée avec une personne morale peut être poursuivie avec une autre, sans même qu’il y ait eu cession de fonds de commerce ou cession d’actifs, pourvu que l’intention de poursuivre une même relation commerciale puisse être caractérisée. Cet arrêt démontre les conséquences qu’il convient de tirer de la mention de « relations commerciales » et non de « relations contractuelles » ou de « contrats commerciaux« . C’est bien une simple relation, sans grand égard pour sa réalité juridique, qui est prise en compte.

La Cour d’appel de Paris relève que des échanges entre les parties témoignaient de la volonté de perpétuer avec une nouvelle entité la relation commencée avec une autre :

Ces éléments démontrent que, dans les faits, la société Aquacultur Fischtechnik a accepté de poursuivre avec la société Aquaculture Partners SL la même relation commerciale établie que celle antérieurement nouée en 2004 avec la société Aquaculture France pour la distribution de ses produits en France. Il importe peu que la société Aquaculture France n’ait pas cédé son fonds de commerce à la société Aquaculture Partners SL ou qu’elle ne lui ait cédé que quelques actifs.

Une telle solution se place dans la droite ligne d’un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 6 juillet 2017 (Ital’Agri) dans lequel celle-ci soulignait sans ambiguïté « que la relation commerciale des parties qui est visée s’entend au sens économique et non juridique » (préalablement commentée ici). Plus significatif encore, la Cour d’appel avait accepté d’indemniser un dirigeant-clé avec lequel la relation s’était nouée selon des statuts juridiques divers et au travers de structures variées (Paris, 6 avril 2013 M. Jean-Claude Le Dunc, S.A.R.L. JCLD Print c. S.A. Lapeyre), soulignant une certaine indifférence à la réalité juridique de la relation.

Mais le plus révélateur est certainement le rapprochement entre cette décision et la décision rendue par la Cour de cassation le 10 février 2021 (n°19-15.369) dans lequel celle-ci a jugé que :

En matière de rupture brutale d’une relation commerciale établie, la seule circonstance qu’un tiers, ayant repris l’activité ou partie de l’activité d’une personne, continue une relation commerciale que celle-ci entretenait précédemment ne suffit pas à établir que c’est la même relation commerciale qui s’est poursuivie avec le partenaire concerné, si ne s’y ajoutent des éléments démontrant que telle était la commune intention des parties.

Il est ainsi manifeste que le critère déterminant de la poursuite d’une relation commerciale est celui de l’intention des parties : ainsi la reprise de l’activité est-elle insuffisante à la caractériser en l’absence d’intention de poursuivre la même relation commerciale et, inversement, l’expression de l’intention de poursuivre une même relation commerciale pallie l’absence de transmission de l’activité au sens juridique.

Photo by Kyaw Tun on Unsplash

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25 janvier 2022 |

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