Lorsqu’un contrat faisant partie d’un ensemble contractuel disparaît, que deviennent les autres contrats ? Et leur caducité, puisque c’est de cela qu’il s’agit, est-elle soumise à une condition procédurale spécifique ? Trois arrêts de la Cour de cassation, en date du 5 février 2025 (n°23-23.358, n°23-14.318 et n°23-16.749), viennent éclairer ce sujet.

Les deux premiers viennent écarter une solution traditionnellement retenue, qui exigeait que soit mis dans la cause le cocontractant dont le contrat était éteint pour pouvoir invoquer la caducité de l’autre contrat.

Dans la première affaire, une société avait souscrit un contrat de location financière pour du matériel maintenu par un prestataire distinct. Après avoir résolu unilatéralement le contrat de maintenance, elle invoquait la caducité de la location. La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel qui subordonnait cette caducité à l’intervention du prestataire en justice. Elle rappelle que, selon l’article 1186 du Code civil, la disparition d’un contrat rend caducs ceux dont l’exécution en dépend, à condition que le cocontractant ait eu connaissance de l’opération d’ensemble. Elle précise ainsi qu’une résolution unilatérale est suffisante pour faire disparaître le contrat, sans nécessité de validation judiciaire préalable.

Dans la seconde affaire, un client notifiait la rupture d’un contrat de fourniture de logiciel, puis cessait de payer les loyers d’un contrat de location y afférent. La Cour de cassation valide la solution de la cour d’appel : la notification unilatérale suffisait à entraîner la caducité du contrat de location financière interdépendant.

Dans la troisième affaire ayant donné lieu à un arrêt du même jour, la problématique est différente. Elle concernait un crédit-bail lié à un contrat de maintenance, conclu le même jour. La liquidation judiciaire du prestataire a entraîné la résiliation du contrat de maintenance. La Cour de cassation reproche à la cour d’appel de ne pas avoir vérifié si la conclusion du crédit-bail avait été déterminée par celle du contrat de maintenance, rappelant que cette dépendance subjective peut justifier la caducité.

Ces décisions permettent de rappeler deux principes : d’une part, la disparition unilatérale d’un contrat (par résolution ou résiliation) suffit à entraîner la caducité d’un autre si leur exécution est interdépendante ; d’autre part, cette interdépendance peut être caractérisée par l’un ou l’autre des critères suivants :

  • un critère objectif : l’opération est commune. L’exécution du contrat non éteint se heurte à une impossibles ;
  • un critère subjectif : la volonté des parties, ayant expressément lié les contrats formant un ensemble et ce, à la connaissance de toutes les parties. L’exécution du contrat non éteint se heurte… à cette volonté.

Enfin, rappelons qu’en cas d’interdépendance objective, les clauses de divisibilité sont réputées non écrites.


Vu les articles 1186, alinéas 2 et 3, 1224 et 1226 du code civil :

6. Selon le premier de ces textes, lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie, la caducité n’intervenant toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble.

7. Aux termes du deuxième de ces textes, la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire, soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.

8. Selon le troisième de ces textes, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification, le débiteur pouvant à tout moment saisir le juge pour contester la résolution.

9. Il en résulte que la résolution par voie de notification est opposable à celui contre lequel est invoquée la caducité d’un contrat, par voie de conséquence de l’anéantissement préalable du contrat interdépendant, sans qu’il soit nécessaire de mettre en cause le cocontractant du contrat préalablement résolu.


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