256 clauses abusives chez Twitter

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Sur un total de 269 clauses anciennes ou actuelles soumises par l’UFC Que Choisir au Tribunal de Grande Instance de Paris, c’est un palmarès remarquable.

Le nombre de clauses concernées est à l’image de ces conditions d’utilisation qu’aucun utilisateur ne lit jamais, et de la décision du TGI, longue de pas moins de 235 pages, qu’il ne sera donc pas question d’analyser intégralement dans ce cadre.

La décision, rendue au cœur de l’été, n’a pas reçu l’attention qu’elle méritait, alors que les enjeux discutés dépassent largement Twitter et concernent l’ensemble des réseaux sociaux.

Il convient au minimum de retenir de la décision que le contrat passé par un utilisateur avec le service Twitter – et, par extension, avec les autres services du même type – est un contrat de consommation.

En effet, le seul fait que le service soit rendu à titre gratuit ne permet d’écarter le droit de la consommation.

Le Tribunal indique ainsi que :

Le contrat d’utilisation de la plate-forme, exploitée par la société Twitter en sa qualité de professionnel, est soumis aux dispositions du code de la consommation, notamment aux dispositions relatives aux clauses abusives, l’utilisateur qui participe au contenu restant un consommateur au regard des dispositions du code de la consommation.

Et il souligne que le contrat est un contrat à titre onéreux, dans la mesure où Twitter reçoit une contrepartie :

Si la société Twitter propose aux utilisateurs de la plate-forme des services dépourvus de contrepartie monétaire, elle commercialise à titre onéreux auprès d’entreprises partenaires, publicitaires ou marchands, des données, à caractère personnel ou non, déposées gratuitement par l’utilisateur à l’occasion de son inscription sur la plate-forme et lors de son utilisation.

Ainsi, la fourniture de données collectées gratuitement puis exploitées et valorisées par Twitter doit s’analyser en un « avantage » au sens de l’article 1107 du code civil, qui constitue la contrepartie de celui que Twitter procure à l’utilisateur, de sorte que le contrat conclu avec Twitter est un contrat à titre onéreux.

Par voie de conséquence, le seul fait, pour un utilisateur, d’avoir accepté les conditions d’utilisation ne suffit pas à les lui rendre opposables. Bien au contraire, dans l’hypothèse où, après un probable appel et un vraisemblable pourvoi, la décision devienne pleinement applicable, alors toutes clauses jugées abusives seront considérées comme non-écrites.

Or, parmi les clauses concernées, il en est une qui intéresse tout particulièrement les utilisateurs : la licence censément donnée par tous les utilisateurs sur le contenu qu’ils postent. Le contenu de la clause est d’ailleurs inimitablement extensif puisque l’utilisateur est censé donné à Twitter une :

licence mondiale, non exclusive et libre de redevances (incluant le droit de sous-licencier), nous autorisant à utiliser, copier, reproduire, traiter, adapter, modifier, publier, transmettre, afficher et distribuer ce Contenu sur tout support et selon toute méthode de distribution (actuellement connus ou développés dans le futur). Cette licence nous autorise à mettre votre Contenu à disposition du reste du monde et autorise les autres à en faire de même.

Cette clause est jugée abusive dès lors que les contenus concernés peuvent comprendre des éléments protégés par les droits d’auteur. Or le Code de propriété intellectuelle impose de préciser le contenu visé, les droits conférés ainsi que les exploitations autorisées par l’auteur du contenu protégé.

En outre, le Tribunal constate que les « Contenus » sont susceptibles d’être constitués de données personnelles. Or, l’article 32-I de la Loi Informatique et Libertés impose d’informer précisément l’utilisateur de la finalité des traitements de ces données, ce que ne fait pas Twitter.

Sans que cette énumération soit exhaustive, sont également jugées abusives :

  • la présomption de responsabilité de l’utilisateur, même lorsque le contenu est utilisé par d’autres utilisateurs et des prestataires de Twitter, et l’exonération de responsabilité de Twitter;
  • la faculté pour Twitter de cesser la fourniture de tout ou partie des services sans préavis, à tout moment, sans motifs, et sans que cela n’engage sa responsabilité alors que Twitter s’engage contractuellement à fournir a minima une prestation de stockage et de mise à disposition des contenus;
  • la clause qui prévoit qu’en cas de nullité de l’une des stipulations des « Conditions », le consommateur ou le non professionnel reste tenu par les autres stipulations, sans exclure l’hypothèse de la nullité d’une clause essentielle du contrat, de nature à entrainer l’annulation de tout ou partie du contrat;
  • la clause prévoyant l’application impérative des lois de l’Etat de Californie, alors qu’il résulte de l’article L. 232-1 du code de la consommation que la loi française est applicable, dès lors que le site est accessible en langue française, malgré la présence au sein du contrat d’une clause de choix de loi;
  • la clause présumant le consentement de l’utilisateur aux modifications des clauses du contrat;
  • la clause qui attribue à Twitter un pouvoir discrétionnaire pour supprimer ou résilier à tout moment sans préavis ni justification les comptes que les utilisateurs utiliseraient à mauvais escient…

Twitter devrait très prochainement annoncer son intention ou non de faire appel. Compte tenu de la nature de la décision, qui met en péril son modèle déjà discuté, en faisant obstacle à la diffusion des contenus et à la cession de données personnelles, il est plus que vraisemblable qu’elle interjettera appel.

 

 

Photo : Sara Kurfeß

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