Le Tribunal de commerce de Paris tente d’accélérer les procédures

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Tribunal de CommerceLe barreau de Paris, le Tribunal de commerce de Paris et le greffe du Tribunal ont signé un avenant en date du 17 janvier 2013  au protocole en date du 18 décembre 2009, qui présente deux objectifs : accélérer la résolution des litiges, et favoriser la conciliation.

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Renvoi pour les conclusions du défendeur, ou du demandeur, pour communication des pièces, pour solution, désignation du juge-rapporteur, pour plaidoirie : la variété de renvois ne fait pas défaut dans la procédure devant le Tribunal de commerce. Ajoutez à cela qu’un Tribunal de commerce est (relativement) libre d’organiser la procédure en leur sein, de sorte qu’elle diffère à Paris, Lyon ou Bordeaux.

Les clients sont souvent décontenancés devant la multiplication de renvois aux intitulés hermétiques autant qu’irrités devant la longueur de la procédure qu’ils pressentaient.

De fait, la procédure s’allonge parfois de façon inconsidérée et il est assez fortement déconseillé d’invoquer auprès des entreprises la fameuse morale selon laquelle « patience et longueur de temps font mieux que force ni que rage » (même si le simple écoulement du temps peut parfois faire émerger des solutions amiables en laissant aux tensions l’occasion de s’apaiser).

Les plus épris de procédure, et les professionnels, pourront se reporter aux textes en lien ci-dessus. Les amateurs occasionnels d’assignation profiteront de l’occasion pour avoir un aperçu rapide d’un calendrier de procédure type.

A ce jour, sauf passerelle1 ou procédure en bref délai2, on peut estimer entre 10 et 12 mois le temps séparant la délivrance d’une assignation du prononcé du jugement devant le Tribunal de commerce de Paris.

Il s’agit d’un cas général l’on a pu aussi rencontrer le cas extrème d’un dossier (complexe et avec des incidents de procédure) dans lequel le jugement est intervenu plus de trois ans après l’assignation.

Un calendrier-type en application du nouvel avenant pourrait théoriquement être celui-ci :

  • janvier 2013 – Délivrance d’une assignation ;
  • 1er février 2013 – 1ère audience : vérification de la délivrance de l’assignation et renvoi à 10 semaines pour les conclusions du défendeur ;
  • 15 avril 2013 – 2ème audience : dépôt des conclusions en réponse du défendeur (le demandeur devant avoir communiqué ses pièces avant le 1er mars 2013) et fixation d’une audience à 8 semaines pour les conclusions en réplique du demandeur (dans un délai de 4 semaines, soit le 15 mai 2013) ainsi que du défendeur;
  • 15 juin 2013 – 3ème audience : dépôt des conclusions en réplique du demandeur et du défendeur, et désignation d’un juge-rapporteur pour plaidoirie3;
  • 15 juillet 2013 : audience de plaidoirie;
  • 7 septembre 2013 : prononcé du jugement (qui doit intervenir dans un délai maximum de sept semaines).

Soit 8 mois 1/2 entre l’assignation et le jugement.

Ce calendrier néglige volontairement l’incidence des vacances judiciaires, puisqu’elle est différente selon le calendrier. Un décalage d’un mois dans la délivrance de l’assignation peut conduire à une audience de plaidoirie fixée théoriquement au 15 août 2013 et donc reportée en septembre. Et, dans l’hypothèse ci-dessus, il est probable que le délibéré soit reporté pour tenir compte des vacances judiciaires.

Il peut évidemment être plus bref si le demandeur ne souhaite pas répliquer, ce qui est rare.

En pratique, il est probablement optimiste. En effet, l’avenant prévoit aussi l’hypothèse dans laquelle le défendeur n’a pas conclu lors de la 2ème audience. Dans ce cas, un délai de 4 semaines est accordé, assorti d’une injonction de conclure. Cette hypothèse devrait se produire assez fréquemment. Il conviendra aussi de vérifier quelles conséquences le Tribunal attachera au non-respect de l’injonction. Aujourd’hui, et pas uniquement devant le Tribunal de commerce de Paris, le non-respect de l’injonction de conclure débouche régulièrement sur… l’octroi d’un délai pour conclure, ce qui est particulièrement incompréhensible pour un demandeur généralement pressé de voir son affaire jugée.

Ce protocole n’évoque pas non plus l’hypothèse des renvois lors de l’audience de plaidoirie, qui ne sont pas rares.

Il faut toutefois comparer deux calendriers comparables. Le délai de 10 à 12 mois résulte de l’observation de la pratique. Il pourrait théoriquement être déjà aussi bref que le calendrier théorique détaillé ci-dessus.

Le principal gain de la signature de cet avenant semble ainsi être surtout le bénéfice de la présente explication didactique du calendrier procédural devant le Tribunal de commerce mais probablement guère un gain de temps.

L’avenant au protocole présente également un autre intérêt : l’insistance portée à la conciliation. Cette attention n’est pas nouvelle et les juges-rapporteur proposaient de façon relativement fréquente le recours à un juge-conciliateur ou à un médiateur. Il ressort de cet avenant que le Tribunal est susceptible de proposer une conciliation lors de la première et de la troisième audience de procédure, rien n’interdisant au demeurant au juge-rapporteur de la proposer lors de l’audience de plaidoirie.

Il faut relever que, si le juge en charge de la conciliation ne réussit pas dans sa tentative, l’affaire est renvoyée à un autre juge, qui est seulement informé de son échec, sans autre détail sur les positions des parties. En outre, l’exposé de l’avenant laisse entendre que la conciliation pourra éventuellement ne pas être contradictoire. Il est parfois plus sage en effet de séparer les parties pour obtenir un accord.

Enfin, nous en revenons à la question du calendrier avec ce voeu formé dans l’avenant :

« De leur côté, le tribunal et le greffe feront tout pour que, en cas d’échec de la conciliation ou de la médiation, le recours à une procédure externe ne retarde pas trop  l’issue de la procédure »

La crainte que la conciliation soit utilisée par le défendeur pour retarder la procédure est perceptible. L’utilisation des expressions, floues et peu contraignantes, « feront tout pour » et « pas trop » en dit assez long sur la possibilité de l’éviter.

photo : Jean-Marie Hullot

  1. procédure accélérée faisant suite à un référé lorsque le président du Tribunal reconnaît l’urgence mais estime que l’affaire relève d’une procédure normale, dite « au fond«  []
  2. une procédure spécifique dont le bénéfice doit être sollicité sur requête auprès du président du Tribunal []
  3. qui deviendra, au 1er février 2013 le « juge chargé d’instruire l’affaire », conformément au décret du 24 décembre 2012, et continuera certainement d’être appelé « juge-rapporteur » en pratique durant de longues années, compte tenu de l’allongement de son titre []

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28 janvier 2013 |

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