D’Internet et du territoire

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Il suffit d’héberger son site sur un serveur à l’étranger et pfuit le droit français. A l’inverse, d’autres soutiennent que le droit français serait applicable dès lors que le fait dommageable serait situé en France, ou que la victime serait française, ou d’autres hypothèses encore selon que vous parlez de responsabilité délictuelle (civile) ou de responsabilité pénale. Alors, le droit français est-il condamné à l’ineffectivité ou s’applique-t-il universellement ?

En matière d’applicabilité de la loi pénale française, la Cour de cassation, par un arrêt du 9 septembre 2008, est venue apporter une utile confirmation.

Les faits : un écrivain italien avait rédigé en exclusivité un article pour Le Monde relatif à une polémique l’opposant au directeur de la rédaction du journal italien Il Foglio. Vous vous demanderez pourquoi il a choisi Le Monde, certes, mais ce n’est pas la question posée aux tribunaux. Il Foglio a fort peu courtoisement reproduit l’article, en un pdf téléchargeable sur son propre site. Et Le Monde l’assigna en contrefaçon, avant de voir son action relayée par le Ministère Public.

La Cour d’appel a « déclaré Giuliano F. coupable des faits de contrefaçon qui lui étaient reprochés » en rejetant notamment l’exception d’incompétence soulevée, c’est-à-dire envulgum gallum, l’argument selon lequel les tribunaux français n’étaient pas territorialement compétents pour connaître de ce litige.

La Cour s’est ainsi récriée que :

« la loi pénale française est applicable à toute infraction dès lors qu’un de ses éléments constitutifs a eu lieu sur le territoire de la République ; que l’article publié sur le site internet du journal est visible par tous les internautes, (…)

qu[‘] en matière de contrefaçon sur le réseau internet est compétente la juridiction dans le ressort de laquelle il est possible d’avoir accès au site litigieux; (…)

que, dès lors, elle est réputée commise sur le territoire de la République lorsque, bien que l’œuvre protégée ait été reproduite à l’étranger, l’atteinte portée aux droits de l’auteur a eu lieu en France, ce qui est le cas en l’espèce ; qu’en conséquence, la loi pénale française est applicable et les juridictions françaises compétentes ; qu’il y a lieu, dès lors, de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par le prévenu »

Nous voici donc témoin de la mise en œuvre tant rêvée par nos aïeux de l’idéal universel français : dès lors qu’on peut accéder au site sur le territoire de la République, les tribunaux français sont compétents. Compétence universelle, donc : Internet mieux que les crimes contre l’Humanité.

La Cour de cassation n’a pas été sensible à l’épopée romanesque ainsi tracée. Elle considère que ces éléments sont insuffisants pour apporter une réponse pertinente à l’argumentation développée par Giuliano F., selon lequel

« le journal, dans lequel l’article avait été publié en Italie, n’était pas diffusé en France dans sa version papier et que le site internet, accessible à partir de l’adresse www.ilfoglio.it, était exclusivement rédigé en langue italienne et n’étaitpas destiné au public du territoire français, aucune commande du quotidien ne pouvant être effectuée à partir du territoire français« .

Dans ces conditions, si l’arrêt est cassé pour une insuffisance ou une contradiction de motifs, ce qui n’est pas techniquement une affirmation ferme d’une solution de droit, on peut toutefois déduire de cette décision une confirmation d’un critère de « destination » du site – à savoir vers quel territoire le site est dirigé – et non de simple accessibilité.

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14 novembre 2008 |

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