Des pratiques commerciales trompeuses au BonCoin.fr

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culdemarmotteLa société LBC France, qui exploite le site bien connu « leboncoin.fr » a été condamnée en première instance par le Tribunal de commerce de Paris dans une décision en date du 4 décembre 2015 pour des pratiques commerciales douteuses, dans une affaire qui croise à la fois ce dernier domaine et la question des notifications de contenu illicite aux hébergeurs.

Les faits, simples et classiques : une demande de retrait d’annonces pour des produits contrefaisants.

Une société,  Goyard, se plaignait de la vente d’articles contrefaisant ses produits, des articles de bagagerie de luxe. Les annonces ne laissaient place à aucun doute sur le caractère contrefaisant, puisqu’elles indiquaient presque toutes « inspi Goyard » voire « imités parfaitement ».

La société Goyard a demandé le retrait de ces annonces, ce qui lui aurait été refusé.

La pratique commerciale trompeuse : prétendre procéder à une opération que l’on ne réalise pas.

Rappelons que les pratiques commerciales trompeuses sont visées par l’article L. 121-1 du code de la consommation, selon lequel :

“Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes : […] 2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants : […] e) La portée des engagements de l’annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services, g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur”

En l’occurrence, il est reproché à la société LBC d’avoir indiqué dans sa page « Qui sommes-nous ? » que toutes les annonces sont relues avant mise en ligne afin de s’assurer de leur qualité et du respect des règles de diffusion” et dans ses conditions générales d’utilisation, qu’elle est susceptible de refuser ou supprimer les annonces illicites.

Or, le Tribunal relève que les annonces concernées visaient à vendre d’évidentes contrefaçons, ce qui n’était pas contesté. De surcroît, il a été répondu à la société Goyard par la société LBC qu’il était « possible que cette annonce soit abusive mais [qu’elle n’avait] pas suffisamment d’éléments pour la supprimer ».

Dès lors, le Tribunal juge que LBC, contrairement à ce qu’elle annonce, ne procède pas une relecture des annonces préalablement à leur mise en ligne, ce qui est de nature à induire en erreur le consommateur sur la fiabilité et la licéité des annonces parues.

Une telle solution invite à une attention soutenue dans la rédaction des pages d’un site web, au-delà même de ses pages strictement juridiques, puisqu’il peut tout aussi bien en résulter des obligations.

La notification à l’hébergeur : une procédure formaliste.

Faute d’obtenir satisfaction, la société Goyard a adressé des mises en demeure à la société LBC d’avoir à retirer deux annonces. S’ensuit donc un débat sur le statut de la société ainsi que sur les modalités de notification.

Le Bon Coin parvient à se faire reconnaître le statut d’hébergeur, et la responsabilité allégée qui l’accompagne : ce sont en effet les internautes eux-mêmes qui rédigent les annonces, sans aucune intervention de la société dans cette rédaction. La possibilité de modifier l’apparence de l’annonce, en lui apposant un logo « urgent » ou en achetant des options pour la mettre en valeur, ne caractérise pas une assistance à la rédaction et encore moins une immixtion, de sorte que LBC reste bien un simple hébergeur.

Dès lors, conformément à l’article 6 de la LCEN, il n’engage sa responsabilité du fait de la diffusion de contenus illicites que dans l’hypothèse où, dûment notifié de leur présence, il ne les retire pas promptement.

Mais la notification répond à une forme précise. Selon l’article 6-I-5 de la LCEN, la connaissance des faits litigieux est acquise lorsqu’il est notifié à l’hébergeur les éléments suivants : 

  1. la date de la notification ;
  2. si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
  3. si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ;
  4. le nom et domicile du destinataire ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
  5. la description des faits litigieux et leur localisation précise ;
  6. les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;
  7. la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté.

Faute de respecter ces conditions, il ne peut pas être considéré que l’hébergeur a été dûment informé et, dès lors, on ne peut lui reprocher d’avoir manqué à son obligation de prompt retrait… à compter de la notification.

En l’occurrence, les mises en demeure adressées ne mentionnaient  pas la forme, la dénomination, le siège social et l’organe qui représente légalement le requérant, de sorte que la notification n’était pas régulière.

L’information mérite d’être connue, tant par les internautes et sociétés susceptibles de solliciter le retrait de contenus illicites, que par les sociétés auxquelles de telles notifications sont adressées.

La demi-marmotte.

Elle n’a pour seule fonction que de retenir l’attention du lecteur submergé d’information. L’annonce correspondante n’a en revanche rien d’illicite, sauf disposition spécifique relative aux trophées de chasse qui aurait pu échapper à notre sagacité et à la brève recherche à laquelle nous nous sommes livrés.

 

 

 

17 décembre 2015 |

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