Class-action à la française : c’est (presque) parti

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foule2Elle était en discussion depuis tant d’années, elle est désormais adoptée. Le projet de loi relatif à la consommation, instaurant ce que le droit français dénomme une « action de groupe » a été voté le 13 février 2014.

Ce nouveau type d’action judiciaire est susceptible d’avoir un impact important, dans la mesure où il met notamment fin à une relative impunité dans le cadre des petits litiges de la consommation (pour lesquels les consommateurs renonçaient à agir isolément). Il intéresse également tout particulièrement les pratiques anticoncurrentielles (ententes et abus de position dominante) qui sont le seul type de pratiques expressément visées par loi. Voilà qui, additionné aux sanctions pécuniaires, pourrait se montrer de plus en plus dissuasif pour les entreprises qui se rendent responsables de telles pratiques.

L’action de groupe est, au-delà, applicable aux manquement des professionnels à leurs obligations contractuelles ou légales à l’occasion de « la vente de biens ou la fourniture de services«  .

L’action de groupe sera nécessairement introduite en justice par une association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée, conformément au nouvel article L.423-1 du Code de la consommation. Cette disposition a pour finalité d’assurer un filtre aux actions de groupe, et de rassurer ainsi les entreprises, qui craignaient de faire face à une multiplication des contentieux.

La procédure adoptée est la suivante (les trois premiers points étant déterminés dans un premier et unique jugement) :

  1. Un premier jugement sur la responsabilité : le juge saisi détermine tout d’abord l’existence d’un manquement de la part du professionnel, ainsi que les préjudices susceptibles d’être réparés, leurs montants s’ils sont immédiatement déterminables ou les éléments permettant l’évaluation de ces préjudices;
  2. L’identification d’un groupe de consommateurs : dans le même jugement, le juge détermine ensuite un ou des groupes de consommateurs envers lequel, ou lesquels, le professionnel a engagé sa responsabilité. Il fixe dans le jugement les conditions de rattachement au groupe;
  3. Des mesures de publicité pour l’adhésion au groupe : le juge prévoit également les mesures de publicité nécessaires pour informer les consommateurs éventuellement concernés de la possibilité d’adhérer au groupe, afin d’être indemnisés de leur préjudice. Ces mesures sont engagées, aux frais du professionnel, dès lors que le jugement n’est plus susceptible de recours. Afin d’offrir une relative sécurité juridique, cette adhésion est encadrée dans un délai de 2 à 6 mois à compter de l’achèvement des mesures de publicité. Le juge fixe également un délai dans lequel l’indemnisation doit intervenir;
  4. Un jugement sur l’appartenance au groupe : le juge est saisi de tous les cas dans lesquels le professionnel aura refusé de faire droit à une demande d’indemnisation.

Une procédure simplifiée est également prévue, au nouvel article L.423-10 du Code de la consommation, lorsque l’identité et le nombre des consommateurs lésés sont connus, et que leurs préjudices sont identiques. Dans ce cas, une mesure d’information individuelle (et non plus de publicité) est prévue pour informer chaque consommateur et déterminer s’ils acceptent d’être indemnisés dans les termes de la décision. Chaque consommateur peut en effet décider d’agir en son seul nom s’il estime l’indemnisation insuffisante.

Par ailleurs, seuls les préjudices patrimoniaux résultant de dommages matériels sont concernés : il s’agit en particulier d’écarter les préjudices moraux, qui sont trop singuliers pour pouvoir faire l’objet d’une évaluation non individualisée.

D’autres spécificités sont prévues concernant les pratiques anticoncurrentielles. Il est à cet égard particulièrement notable que seules celles-ci soient visées. Jusqu’ici, une personne physique pouvait solliciter l’indemnisation de son préjudice directement ou sur la base d’une décision des autorités de concurrence. Il est bien évident toutefois qu’il fallait à la fois être informé (de l’existence de la décision) et déterminé.

L’action de groupe pourra être engagée sur le fondement d’une décision prise par les juridictions française ou européenne et devenue définitive.

Dans ce cas, il ne sera pas nécessaire au juge d’établir lui-même l’existence des manquements (cf 1.). Il lui appartiendra en revanche de déterminer les groupes de consommateurs, les préjudices concernés et les délais de la procédure.

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L’action de groupe est donc bien sur les rails. Il reste toutefois à attendre une éventuelle décision du Conseil Constitutionnel, si la loi lui est soumise et, surtout, que soient pris les décrets en Conseil d’Etat qui conditionnent l’application de ces dispositions.

 Photo : James Cridland

14 février 2014 |

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